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Charlatania

Source : L’Union Médicale du Canada, Montréal, vol. 16 (nouvelle série, vol. 1), juin 1887, pp.332-334.


Nous sommes informés que le Collège des Médecins et Chirurgiens vient d’obtenir jugement contre le sieur Jean Grenier, charlatan exerçant à Ste-Julie de Somerset, comté de Mégantic, et qu’une action intentée, en mars dernier, contre notre ami Destrempes, de St-Cuthbert, a été réglée à l’amiable, le défendeur payant l’amende et les frais encourus.

Il serait, certes, fort désirable que la gent charlatane n’eut qu’une seule tête afin que nous puissions l’abattre d’un seul coup.  Mais l’expérience de tous les jours nous dit que cet ennemi de notre repos se nomme légion.  Aussi le voyons-nous lever la tête à plus d’un endroit à la fois.  Il y a quelques semaines, Racicot allait opérer à St-Hugues, comté de Bagot, et y faisait des merveilles comme lui seul peut en faire.  Ces jours derniers c’était l’herboriste (!) Dudevoir qui se payait le luxe d’herboriser à Ste-Rose, comté de Laval, y faisant une abondante moisson de simples (!), de dupes et d’écus.  À Montréal même, Mme Desmarais-Lacroix (les dames les premières s.v.p.), George TuckerBrault, continuent à exercer au grand jour, malgré plusieurs amendes passées et la perspective de poursuites futures.

Il est donc facile de voir que les jugements obtenus par le Collège contre Messieurs (et Mesdames) les Charlatans n’ont pas toujours la portée pratique qu’on pourrait attendre.  Avouons aussi que les amendes sont légères et que, à défaut de la contrainte par corps (seul moyen pratique de mettre fin aux faits et gestes des charlatans) on pourrait peut-être doubler, tripler et quadrupler le chiffre de l’amende dans les cas de première, deuxième, ou troisième récidive.  À coup sûr, ce ne serait pas de trop.

Quoiqu’il en soit, nous engageons fortement tous les médecins qui ont à se plaindre des charlatans, rebouteurs, etc., à faire tout en leur pouvoir pour réunir le plus de preuves possibles contre ces Esculapes de contrebande, et loger une plainte motivée devant le Bureau des Gouverneurs représenté par son agent.  Ce n’est pas en nous croisant les bras et en laissant faire que nous arriverons à grand’chose.  L’été est la saison choisie d’habitude par les herboristes et les guérisseurs pour opérer leur tournée dans les campagnes et y faire récolte.  Que nos lecteurs se tiennent sur leurs gardes et veillent à ce que les intérêts professionnels soient sauvegardés.