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Le charlatanisme... en herbes !
Source : L'Union Médicale du Canada, Montréal, vol.15, no.10, octobre 1886, pp.474-475.
Le charlatanisme vulgaire manifeste une forte tendance à se transformer, par le temps qui court. Ne pouvant s’intituler docteurs ou médecins, les nombreux charlatans de notre bonne ville de Montréal ont tout naturellement songé à se trouver un titre quelconque, et c’est ainsi que nous avons eu les marchands de racines, genre George Brault et Racicot, débitant la tisane Root-racina, (sic) et l’onguent mystérieux ! Puis est venu Tucker, le guérisseur sauvage, dont la binette s’est installée avec complaisance aux colonnes d’annonces de nos journaux politiques. Or, il a pris envie à ce sire de s’intituler herboriste, rien que cela ! Et là-dessus, le voilà qui se fait décerner des compliments par les naïfs de nos grands journaux. Mais être herboriste (genre Tucker) n’est pas aussi malin qu’on pourrait le croire. Il suffit d’aller glaner quelques racines ou quelques herbes sur la ferme Logan ou au Parc de la Montagne, ou bien, ce qui est plus commode, d’acheter chez un pharmacien en gros quelques livres de racines de gentiane et de salsepareille ou de bois de quassia, et de débiter le tout aux badauds. Les marchandes de racines du marché Bonsecours sont bien souvent les pourvoyeuses des herboristes dont nous parlons.
Or, l’exemple de Tucker a réveillé des vocations latentes. Sans parler de Madame Veuve Lacroix-Desmarais, nous venons de voir poindre à l’horizon de la thérapeutique indigène les noms de Narcisse Dudevoir, professeur herboriste dont les feuilles de la forêt ont été la guérison des nations, (voir la Minerve) et de J.B. Leduc, également herboriste, qui « lance un défi de mille piastres pour la guérison d’aucun cas de la (sic) coqueluche avec son remèdes infaillible pour la coqueluche portant le nom sur son brevet « Leduc’s Whooping Cough Sure Cure » qui possède l’efficacité de guérir la croupe (sic), diphtérie, l’asthme, et tous les maux de l’estomac connus comme incurables ». (textuel. – Voir le Monde).
Lecteurs de l’Union Médicale, n’est-ce pas que tout cela est sot, ridicule, renversant ? Eh bien ! Tout cela nous fait un tort sérieux et c’est précisément pour cette raison que nous en parlons ici. En France, on ne tolèrerait pas ces choses.
Que faire ? Le nouveau Bureau des Gouverneurs s’occupera-t-il de nous protéger un peu mieux que le faisait son prédécesseur ? Le comité des amendements à faire subir à l’Acte Médical voudra-t-il travailler aussi lui au bien commun ? Nous voulons croire que oui. Aussi proposerons-nous de restreindre la vente des drogues et médicaments proprement dits aux seuls pharmaciens, et celles des racines médicinales et des simples aux pharmaciens tout d’abord, puis aux revendeurs et revendeuses sur la place des marchés. Mais il est à craindre que rien ne sera fait dans ce sens et que les herboristes continueront à herboriser en paix et à se moquer de nous.